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Note d’intention :

Un coup de cœur pour le livre-objet de Dominique Lagraula, a fait resurgir l’envie de concevoir un spectacle sur la base technique du pop-up. La force qui émane de cet album à travers ses formes simples, ingénieusement utilisées m’a tout de suite enthousiasmé. Cette sobriété d’une grande efficacité m’a bousculé, m’a saisi et emmené vers un chemin inattendu.

Si l’aspect graphique du livre m’a transporté, l’histoire de Perrault ne me comblait pas. Je ne pouvais accepter de faire perdurer l’idée que si le petit chaperon s’était fait avaler, c’était tant pis pour elle, elle n’avait pas à s’écarter du chemin ! Il me fallait questionner cette morale. Très vite, il m’est venu en écho à cette interrogation un autre album « Cœur de bois », dans lequel le chaperon a grandi et rend visite au vieux loup impotent. J’ai été touché par cette enfant qui, devenue adulte, a dépassé l’épreuve de se faire dévorer. Sans colère, elle n’a pour autant pas pardonné. Cette histoire est aussi entrée en résonance avec un texte de Thomas Scotto : « Dans le ventre du loup ». Ici, le chaperon refuse de finir dans l’estomac du loup et déclenche un soulèvement pour que tous les avalés se joignent à elle, changent la donne et inspirent une issue nouvelle. Ces albums, questionnent la notion de résilience et de la capacité de se reconstruire.

Ce conte du Chaperon rouge, semble imprégné d’un substrat culturel qui lui donnerait sa signification, mais il a pu aussi changer de contenu selon les époques, les lieux géographiques ou même la personne qui le raconte. Aussi, il n’est pas gravé dans le marbre car le sens des textes n’est jamais verrouillé, ils vivent et prennent sens à travers les yeux de celui qui le reçoit.
Cependant, il continue d’interroger sur la cruauté et questionne sur la nécessité de le perpétuer auprès des jeunes spectateurs. Comme le souligne Jennifer Tamas (agrégée de Lettres modernes et professeure de Littérature française à Rutgers university-New Jersey), nous ne pouvons pas évacuer toutes les œuvres qui, aujourd’hui, nous mettent mal à l’aise ou en colère. Les contes sont une matière malléable qui peut évoluer avec les âges de la vie, les questions qu’on se pose, celles qui nous obsèdent. Continuer de les raconter, ce sont autant de réponses possibles.

En collaboration avec l’auteur jeunesse, Thomas Scotto, et la dramaturge Mateja Bizjak Petit, je souhaite donner à ce Petit POP’RON Rouge une ligne dramaturgique contemporaine, y insuffler malice et force, en écho avec un dispositif scénique astucieux et ludique.

Gingolph Gateau